Planter des arbres truffiers … le rêve possible.
Avoir sa propre plantation truffière est un rêve caressé par un nombre croissant de personnes aux objectifs différents qui peut aller de la simple occupation à la mise en place d’une exploitation que l’on espérera rentable. A l’heure ou la météo des retraites s’assombri de jour en jour, l’espoir de revenus complémentaires est souvent la motivation première.
La mise en place une plantation truffière nécessite un investissement financier non négligeable et beaucoup de travail. L’objectif est évidemment de ne pas faire d’erreurs afin d’obtenir ses premières truffes dans un délai de 5 à 6 ans. Pour se donner les meilleures chances de réussites, il est recommandé de faire appel à des spécialistes qui sauront conseiller les futurs trufficulteurs et leur éviteront bien des erreurs.
Un savoir faire ne tombe pas du ciel, c’est l’accumulation d’expériences, de tests et d’observations qui permettent de pouvoir proposer une expertise sur des projets de plantations de grande ampleur.
C’est ce que nous faisons régulièrement déjà, en travaillant avec la société Agritruffes, créateur historique des premiers plans mycorhizés et qui possède aujourd’hui une très grande expertise dans le domaine mais nous avons aussi besoin de retours de terrain que nous allons chercher auprès de personnes qui se sont lancées dans l’aventure il y a déjà quelques années et qui sont détenteurs de précieuses informations.
C’est dans ce cadre que nous sommes allés interviewer Damien et son fils Stéphane qui gèrent une plantation de plus de 2 hectares. Ils ont eu la gentillesse de nous faire partager leur expérience. Nous vous proposons avec la vidéo qui suit de les écouter attentivement. Encore un grand merci à eux deux pour leur accueil et leur gentillesse.
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Interview de Damien et Stéphane.
La plantation fait quelle surface ?
Deux hectares 20.
La plantation a quel âge et combien d’années ont été nécessaires pour sa mise en place.
Elle est vielle d’une quinzaine d’années, la plantation s’est étalée sur environ 4 à 6 ans. La première année mon père à planté 200/300 plants, le reste s’est réparti sur les années suivantes.
Le problème à l’époque c’est qu’il était difficile d’obtenir des plans mycorhizés.
A l’époque la qualité des arbres n’était pas celle d’aujourd’hui, tous les arbres achetés n’étaient pas forcément mycorhizés et pour ceux qui l’étaient, ce n’était pas toujours avec la bonne truffe.
On a eu ce problème ici, on a mis longtemps avant de le savoir, il a fallu attendre d’avoir les premières truffes. Les premiers conseils que l’on a eu à l’époque, par exemple sur la brumale, c’était de les laisser, d’élaguer les arbres pour faire de la lumière et d’essayer de les commercialiser différemment de l’uncinatum. Aujourd’hui, on les élimine, on coupe les arbres concernés.
On disait à l’époque qu’il fallait de l’ombre et qu’il fallait planter serré, laisser monter les arbres … on nous a même conseillé de faire des marcottages sur les noisetiers, ce que l’on a fait. Aujourd’hui on se rend compte que pour travailler le terrain, les marcottages sont très gênants, on les élimine. Une autre raison c’est que lorsque qu’il y a 7 ou 8 marcottages autour d’une troche de noisetier le chien se prend la tête une fois ou deux dedans et n’y revient plus. En résumé, pour nous, c’est plus un handicap qu’un avantage.
Quel type de truffes récoltez-vous ici ?
Uniquement la Truffe de Bourgogne, la tuber uncinatum, à l’époque, on ne plantait pas d’arbres mycorhizés à la mélanosporum, c’était comme ça !
Le choix de cette truffe c’est imposé naturellement d’autant plus quelle est déjà très présente en milieu naturel dans notre région.
Quel type de sol avez-vous ici ?
Ici c’est plutôt calcaire voir argilo-calcaire par endroit. Sur la plantation, nous sommes à 7.5 de ph, c’est un bon rapport pour la truffe.
Quelles sont les essences qui produisent aujourd’hui dans votre plantation ?
Nous en avons 3 – le chêne, le charme et le noisetier. Il y a bien d’autres essences possible que nous n’avons pas ici, le pin noir qui est disponible en plan mycorhizé depuis pas mal d’années, d’ailleurs nous en planterons probablement quelques-uns prochainement. Sinon, il existe aussi le tilleul, le pin d’Alep … il y a pas mal d’essences possible pour faire une plantation.
Il faut reconnaitre que l’arbre historiquement reconnu pour la truffe, c’est le chêne, que ce soit dans le Périgord ou ici. A l’époque on plantait le chêne parce qu’il devait produire plus longtemps et le noisetier qui devait produire plus rapidement. Nous n’avons jamais constaté une réelle différence sur ce point.
Avez-vous arrosé les plans au départ de la plantation ?
Oui, car si aujourd’hui on a la possibilité de se procurer des plans pour l’automne qui reste la meilleure saison pour planter, à l’époque les arbres étaient fournis au printemps ce qui nous a contraint à arroser régulièrement, environ 7 à 8 litres d’eau à chaque pieds toutes les deux semaines, c’était assez contraignant.
Les premières truffes sont apparues après combien de temps ?
Environ 5/6 ans, les premiers chiens qui sont venus ont trouvés les premières dès la cinquième année, en petite quantité bien sur. Nous n’avons pas vu de différence de répartition des 1ères truffes, nous en avons trouvé aussi bien au centre qu’en bordure de plantation.
A la plantation des arbres, avez-vous réalisé des actions complémentaires pouvant aider au démarrage ?
On nous avait conseillé de semer avant la plantation, une herbe « la fétuque ovine », ce que nous avons fait.
L’avantage, c’est qu’avec la fétuque, nous avons bien vu tous les brulis qui se sont développés autour des arbres. On a vu apparaitre rapidement un peu partout des ronds de sorcière, c’était superbe et par la même occasion ça nous a rassurés sur la bonne mycorhization des arbres.
Au bout de combien de temps ave-vous aperçu les brulis ?
Très rapidement peu de temps après la plantation, dès la 2ème/3ème année on a pu apercevoir des brulis.
Avez-vous travaillé le sol ?
Non, à l’époque, on ne nous a pas conseillé de travailler le sol. On nous disait que contrairement à la mélanosporum pour laquelle les trufficulteurs du Périgord le faisaient depuis longtemps. On nous conseillait de faire beaucoup d’ombre, de planter serré.
Au fil des années et des discussions, on s’est aperçu qu’il aurait fallu travailler le sol depuis longtemps, il aurait fallu tailler les arbres plus rapidement.
Et maintenant ?
Et bien maintenant, on a changé le fusil d’épaule, on a commencé par tailler nos arbres sur 4 rangs, on a aujourd’hui plus de 300 arbres de taillés – on a réduit les troches de noisetiers, coupés les têtes des chênes, taillé tous les branches qui viennent sur les allées pour pouvoir passer le tracteur. Le travail du sol à consisté à passer un coup de cover crop suivi d’un passage pour broyer les cailloux et pour finir un petit vibrant pour égaliser le sol.
Evidemment, comme les arbres ont été plantés à 2.5 mètre, il est impossible d’y passer le tracteur donc de travailler entre les arbres à par le faire au motoculteur mais la tâche est énorme pour la surface. L’idéal serait d’avoir une plantation pratiquement au carré de 5×5 m.
Avez-vous fait des ajouts comme des engrais pour favoriser la croissance des arbres ?
Non, jamais mis d’engrais, le seul apport c’est la tonte 3 fois par an de l’herbe que nous laissons sur place.
D’après votre expérience, la météo idéale pour une plantation truffière ? C’est d’avoir beaucoup de pluie au bon moment, c’est-à-dire surtout sur les mois de juin et juillet. De bon orages sont la bienvenue, pas des petites pluies de 2 mm mais de bonne raguasses qui humidifient bien le sol. Généralement avec ça, on a de la truffe. Part contre, nous n’avons pas pu mettre en évidence une différence entre un printemps sec et pluvieux, pour nous il faut surtout de l’eau au début de l’été.
Et les hivers, il vaut mieux doux ou froid ?
C’est pareil, ce n’est pas très évident, on a déjà eu des hivers où le froid descendait profond mais ça n’a pas gêné outre mesure la production.
Effectivement, s’il gèle très fort en novembre il nous est arrivé de trouver des truffes gelées mais si la truffe est un peu plus profonde le gel n’est pas un gros handicap.
Ce sera probablement un avantage du travail du sol qui « forcera » les racines à descendre un peu plus bas les truffes devraient être mois exposées au froid. De toutes les façons la nature fait bien ce quelle veut, il faut voir les choses du bon coté, cela fait des spores pour l’année prochaine.
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Un grand merci à Damien et Stéphane qui ont eu la gentillesse de nous parler de leur expérience riche de renseignements.
Cordialement – Les Deux Caveurs.